« Il faut calmer le jeu » !
implore désormais Jean-Jacques Aillagon, seul contre tous ? ( dans le journal 20 minutes)
C’est par cette phrase, échappée sur l’air de l’arroseur arrosé, que l’article de 20 minutes – « La critique n’a pas cours à Versailles pour l’expo Jeff Koons » – nous livre un aveu de faiblesse éloquent sur la très grande difficulté dans laquelle se trouve aujourd’hui Jean-Jacques Aillagon, Président de l’Établissement public du Musée et domaine public de Versailles, le thuriféraire du « choc des cultures » et d’une « confrontation » tout azimut au credo sans merci : « Tout musée doit être un lieu de confrontation entre l’ancien et le moderne » ne cesse-t-il de prêcher.
Côté cour, devant les media Jean-Jacques Aillagon joue au « châtelain révolutionnaire » n’ayant peur de rien ; mais côté jardins, il voudrait que le « choc des cultures » – une fois l’effet d’amorce engrangé – soit uniquement pour les autres. Après avoir semé la désolation culturelle, au château on tient donc à garder son petit confort bien douillet ; on est déjà fatigué du choc (en retour) des cultures.
Chacun pourra apprécier l’humour noir du Président de l’Établissement public du Musée — ainsi transformé en Galerie (des glaces ) promotionnelle — qui, en conclusion de cet article, avance que l’exposition serait devenue « un phénomène de curiosité internationale ».
Curiosité ? Le mot est-il bien choisi, et s’il l’est de quelle genre de curiosité s’agit-il ? Celle qu’on éprouve devant une merveille, une immondice ou une incroyable méprise des pouvoirs publics ? Du côté des touristes on nous rapporte, en effet, que plus de 95 % d’entre eux sont furieux ou consternés avec même des témoignages d’Américains ayant honte de leur compatriote. La colère des guides n’est, bien entendu, que le thermomètre du rejet général par les touristes d’une « exposition » qui les dérange et qui n’a pas sa place dans le saint des saints de l’art classique français. S’ils ont, d’ailleurs, payé leur ticket ce n’est certainement pas pour que des aspirateurs leur cachent les chefs-d’oeuvre qu’ils sont venus voir à grand frais !
J.-J. Aillagon avait dit qu’il laisserait aux visiteurs le soin de se faire leur propre idée. Mais, mauvais joueur, il veut maintenant casser le thermomètre pour ne pas apparaître comme le grand perdant selon les propres règles qu’il a fixé. Car c’est dès le 10 septembre, à l’ouverture de l’exposition (selon les Nouvelles de Versailles du 1er octobre 2008 : « Koons : le château veut des guides positifs », Stéphane Gauthier) que la Direction a constaté ce rejet des guides et des touristes.
L’actualité financière, suggère d’ailleurs un tragique parallèle entre l’« art » à bulles médiatiques de l’exposition Jeff Koons Versailles – faisant artificiellement gonfler en France la renommée d’une « star » inconnue jusque là, au détriment de l’image touristique de bon goût de Versailles – et l’effondrement des bulles financières à l’origine de la crise mondiale actuelle. Nous sommes bien dans la logique destructrice de valeur de ces bulles artificielles qui conduisent mécaniquement à la privatisation des bénéfices et à la socialisation des coûts ( 700 milliards $ aux US, patrie de Jeff Koons, au bas mots). Quelle différence y a-t-il entre les flambées de la bourse et les enchères de Christie’s ? Et donc à quand le retour de flamme du chouchou des enchères ?
Notons pour l’anecdote que seule l’agence Bloomberg, spécialiste des marchés à bulles, avait compris le signal et souligné notre geste symbolique du 10 septembre 2008 ayant consisté, aux grilles du château de Versailles, à faisant exploser les quatre ballons ( Koons, AillaKoons, PinaultKoons et KoonsKompas ) quatre jour à peine avant le krach de Lehmann Brothers ayant déclenché la réaction en chaîne de la crise mondiale… Questionné sur l’explosion de ces ballons, Jeff Koons avait dit à la presse ne pas être au courant… Et pourtant, comme dans les Dix petits nègres d’Agatha Christie : quatre moins un, reste trois.
Et pendant que Jean-Jacques Aillagon, cherche à casser le thermomètre de l’enquête d’opinion – ici celle des guides du Syndicat National des Professions du Tourisme ( SNPT) – qu’il réclamait auparavant, le syndicat Sud Culture Versailles a lui aussi lancé une pétition pour demander la mise en place d’un « livre d’or (sic) spécifique à l’exposition comme cela avait pu être fait pour l’exposition du mobilier d’argent ».
Après « les amoureux de Versailles et les intellectuels, les guides sont aussi en colère », mais également le personnel du château, l’UNIEF, le collectif des défenseurs du patrimoine de Versailles, les artistes contemporains non subventionnés, le Syndicat National des Professionnels du Tourisme, la Fédération Nationale des Guides Interprètes et maintenant le Syndicat Sud Culture Versailles. Il ne reste plus maintenant, qu’à mesurer l’impact négatif sur les touristes. Mais au peu d’empressement manifesté par le roi-président du château de Versailles, il y a fort à parier que Jean-Jacques Aillagon redoute au plus haut point le verdict de ce genre de « phénomène de curiosité internationale » que doit consigner dans le livre d’or de la réprobation générale, par les touristes du monde entier, d’une exposition déjantée qu’il a présentée comme le triomphe absolu de la modernité acclamé par toute la planète ( du Gotha ).
« Il faut calmer le jeu », supplie aujourd’hui Aillagon aux prises avec la boîte de Pandore qu’il a lui même ouverte.
Oui, mais comment ?
C’est facile. Il suffit qu’il arrête l’exposition de Jeff Koons Versailles – comme le demandent les amoureux de Versailles, l’ensemble des Français amoureux du patrimoine et les touristes du monde entier – et son plan dévastateur de transformation des Musées en Galeries au nom de la prétendue nécessaire « confrontation » entre l’ancien et le moderne.
Une seule fausse note au tableau de la colère provoquée par le credo sans merci du choc des cultures tout azimut prêché par Jean-Jacques Aillagon : aucune association de défense ou des amoureux du patrimoine à commencer par la Société des Amis de Versailles et à l’exception d’Edouard de Royere, n’a encore manifesté sa réprobation…
Quoi qu’il en soit, l’exposition miracle se dégonfle et le scandale s’envole.