Polémique avant l’exposition Murakami à Versailles
| 02.09.10 | 18h09 • Mis à jour le 02.09.10 | 18h09
AFP/FRANCOIS GUILLOT
L'artiste japonais Takashi Murakami, la galerie des Glaces du château de Versailles, le 8 juin 2010.La machine de guerre contre l’art contemporain au château de Versailles est relancée. Deux collectifs, Versailles mon amour et Non aux mangas – Contre les expositions dégradantes au château de Versailles, affûtent leurs armes avant l’exposition consacrée à l’artiste japonais Takashi Murakami. Du 14 septembre au 12 décembre, l’une des stars les plus cotées de l’art contemporain, dont l’œuvre est inspirée des mangas, investira les Grands Appartements du château, la galerie des Glaces et le jardin, pour y présenter vingt-deux sculptures et peintures, dont onze ont été créées spécialement pour l’exposition.
Pour la plupart, les opposants sont les mêmes qui, en 2008, avaient tenté de faire interdire l’exposition de l’Américain Jeff Koons au château du Roi-Soleil. En vain : ils avaient été déboutés par le tribunal administratif de Versailles, puis par le Conseil d’Etat. Ils n’étaient pas partis en croisade, en revanche, contre Xavier Veilhan, invité au château en 2009. Est-ce parce que l’artiste avait installé presque toutes ses œuvres, tel son carrosse mauve, dans le jardin ? Ou parce qu'il est français ? Président de l’Etablissement public du château de Versailles, Jean-Jacques Aillagon dénonce un "activisme aux relents xénophobes".
Les deux camps protestataires partent en ordre dispersé. Chacun a sa pétition et son mode opératoire : Versailles mon amour prépare une manifestation, Non aux mangas a l’intention de saisir la justice. Versailles mon amour compte parmi ses porte-parole Anne Brassié, chroniqueuse littéraire sur Radio Courtoisie, Eric Martin, étudiant à l’université Paris-II-Assas ou Anne Auger, qui se présente comme "organisatrice de salons littéraires et de festivals".
Ce collectif ne rejette pas en bloc l’art contemporain à Versailles. "Si Jean-Jacques Aillagon veut faire du beurre, qu’il installe Murakami à l’Orangerie, qui est vide. Mais pas dans les appartements royaux. Vous peindriez sur les lèvres de la Joconde ?", s’indigne Mme Auger.
DESCENDANT DE LOUIS XIV
Versailles mon amour a brandi comme repoussoir quelques œuvres de Murakami à connotation sexuelle, comme ce Lonesome Cowboy (1998) en pleine éjaculation, alors que cette sculpture ne figure pas dans l’exposition. M. Aillagon y voit "une obsession du sexe assez caractéristique des milieux de l’extrême droite".
De son côté, Non aux mangas a été créé à l’initiative d’Arnaud-Aaron Upinsky, président de l’Union nationale des écrivains français, et a reçu le soutien du prince Sixte-Henri de Bourbon-Parme, l’un des descendants de Louis XIV. S’appuyant sur le Code de la propriété intellectuelle, M. Upinsky estime que "le chef-d’œuvre de Versailles doit être vu tel que Louis XIV l’a conçu". Utiliser le château comme "faire-valoir" de Murakami constitue un "outrage à l’œuvre de Louis XIV".
"On met notre patrimoine culturel au service d’intérêts étrangers. Jean-Jacques Aillagon joue les châtelains, toujours dans les jupes de la noblesse. En même temps, il promeut un art officiel new-yorkais alors que nous avons 40 000 artistes français marginalisés", dénonce M. Upinsky. New-Yorkais, Murakami ? "C'est un composite new-yorkais, japonais, un pilleur de mangas. Ce n’est pas parce qu’on a les yeux bridés qu’on est japonais."
Curieusement, M. Aillagon vient d’annoncer que les prochaines expositions d’art contemporain n’auraient plus lieu dans les appartements royaux du château. Aux opposants qui saluent "une petite victoire", le président de l’établissement public réplique sèchement : "Je ne cherche pas à leur faire plaisir. Mais on peut envisager d’autres lieux, comme l’Opéra royal, pour éviter la routine." Et la polémique ?
Clarisse Fabre
Article paru dans l'édition du 03.09.10