Takashi Murakami : «Mon Versailles, version manga»
Par
Valérie Duponchelle
10/06/2010 | Mise à jour : 11:25 Réactions (10)
« Je suis très honoré de pouvoir exposer au château de Versailles. Surtout lorsque je réalise son contexte historique », déclare Takashi Murakami. (François Bouchon/Le Figaro)
Coqueluche des collectionneurs, l'artiste japonais succédera à Jeff Koons et à Xavier Veilhan en septembre chez le Roi-Soleil.
Assis au soleil sur les marches du parvis royal, face au Grand Canal, Takashi Murakami est inhabituellement détendu et accessible. En septembre, ses sculptures investiront pour trois mois le château de Versailles. À la tête d'un petit empire entre Tokyo et Long Island, il assume, à 47 ans, la valeur marchande de son art. Concentré, perfectionniste, exigeant, il dirige dans un bourdonnement de ruche ses équipes d'assistants, de peintres, d'artisans et de petites mains ( voir nos éditions du 22 septembre 2009 ). Rencontre avec un homme pressé, entre jet lag, discours officiels au château et dîners privés.
LE FIGARO. Quelle importance a Versailles pour vous ?
Takashi MURAKAMI . Je suis très honoré de pouvoir exposer au château de Versailles. Surtout lorsque je réalise son contexte historique. La France a mis toute son énergie pour avoir le plus beau château et les plus beaux intérieurs du monde. Pour les Japonais, Versailles est un lieu particulièrement médiatisé. La Rose de Versailles est un manga de filles dont l'héroïne s'appelle Lady Oscar. Il est passé longtemps à la télévision, un vrai phénomène culturel. Tout le monde au Japon connaît Versailles à travers ce manga.
Votre souvenir de touriste ?
Justement, la superposition de ce que j'avais imaginé en lisant ce manga et la réalité. J'ai été impressionné par la grandeur démesurée de Versailles, mais aussi par son histoire faite d'audace et de bravoure, par le fait que le peuple s'est opposé à cette toute-puissance royale et qu'il a gagné. C'est quelque chose d'inimaginable dans la culture japonaise.
Votre travail pourrait-il être montré dans un palais impérial au Japon ?
Absolument impossible.
Est-ce intimidant ou excitant d'exposer chez le roi ?
J'ai un peu peur de la réaction du public devant la confrontation de mes œuvres à ce contexte historique, codé et connu à l'extrême. Je ne sais pas si elle sera bonne ou mauvaise. Chaque salle royale a une histoire. Mais chacune de mes œuvres, aussi, a une histoire. Je pense que je ne serai pas aussi critiqué que Jeff Koons et son Balloon Dog, le choc visuel qui a fait le tour du monde, car je ne suis pas le premier. Après Jeff Koons et Xavier Veilhan, je ne suis pas si nouveau que ça pour le public ! Ceux qui viennent à Versailles rêvent de s'immiscer dans un univers total fantastique. J'aimerais participer à ce rêve, le pousser à l'extrême.
Pensez-vous ces deux univers artistiques compatibles ?
Jeff Koons s'était directement inspiré du portrait du roi, de la hiérarchie de la société d'Ancien Régime. De ce fait, cela collait extrêmement bien. Mes sources puisent dans le manga, d'autres concepts personnels que j'ai développés dans mon travail depuis des années. Les symboles de la cour y sont, mais les correspondances pourront paraître décalées, superficielles. Il n'y aura pas un rapport direct avec le roi et son monde comme chez Jeff Koons. Je vais exposer plus d'œuvres, mais je ne vais pas occuper tous les appartements royaux.
Y a-t-il un Murakami interdit à Versailles ? Par exemple, pourra-t-on voir un de vos My Lonesome Cowboy, comme celui qu'a exposé François Pinault à la Pointe de la douane, à Venise ?
Ce qui m'a choqué n'est pas de ne pas exposer cette sculpture. Mais de renoncer à accrocher mes peintures pour des raisons de conservation du patrimoine. Je suis d'abord peintre et j'ai dû me résoudre à montrer surtout de la sculpture.
Bienséante ?
Pas de My Lonesome Cowboy, non. De toute façon, cette sculpture a été déjà beaucoup vue. Sur la vingtaine de pièces exposées, six ou sept seront nouvelles. D'autres, plus anciennes, seront retravaillées dans des versions différentes, comme Oval Buddha, une sculpture haute de 6 mètres.
Vous êtes-vous redécouvert à Versailles ?
Cela a été l'occasion de relire l'histoire de France, de réviser. J'ai été impressionné par la force des Français qui ont fait cette révolution. C'est un pays très passionnel où la politique est une valeur forte et collective, point de vue assez éloigné du Japon, si complexe. J'admire la faculté de la France à vouloir toujours se renouveler. Et à le faire. À partir de rien, elle a bâti le château de Versailles. Républicaine, elle a transformé ce lieu. Contemporaine, elle y met de l'art contemporain. Quel courage !
Takashi Murakami
au château de Versailles, du 12 septembre au 12 décembre 2010.
Information : www.chateauversailles.fr
Réactions
M P. Quel est l'avantage d'exposer ces "œuvres d'art" à Versailles? Car les visiteurs avertis ne se déplaceraient aucunement pour une chose si moindre... Plutôt ils attendraient que l'exposition soit finie. Il faut donc penser à un autre genre d'avantage... Par exemple, pour les "artistes" l'avantage est très évident: ils se parent des plumes du paon. La logique indiquerait un autre écrin pour ce type de manifestations . Les comparaisons ne sont pas toujours sympathiques, mais j'ai eu au Colisée l'agréable surprise de trouver, comme un surplus à ma visite, deux magnifiques expositions de l'art et la vie quotidienne à l'époque romaine. Voilà le bon chemin, montrer des objets ou œuvres d'art qui soient en relation directe avec le monument et son époque, sans toutefois déparer l'harmonie des lieux. Paris a maintes salles d'exposition pour tous ceux qui se considèrent artistes...
Le 5/07/2010 à 02:25
yomgui974 j'ai hâte de voir le mélange des genres
Le 17/06/2010 à 16:18
JEAN MANUEL ALLIOT Certes en décalage dans ce lieu chargé d'histoire, ces expositions fantasques font enfin du château un lieu vivant. Louis XIV en avance sur son temps, se serait sûrement réjouit de recevoir ces artistes innovants.
Le 13/06/2010 à 15:52
François Marie Arouet Le Jeune "Votre travail pourrait-il être montré dans un palais impérial au Japon ? - Absolument impossible !" Tout est dit : cet artiste tartuffe, lucide de sa nullité, admet que c'est à Versailles, au pays des neu-neus, qu'il peut exposer ses "choses" irrévérencieuses. Qu'il aille les exposer ailleurs, mais de préférence pas dans le temple de l'Esprit, de l'Art et de la Culture Française, s'il vous plaît ! Qu'aurait-on pu dire si la chose eût été fomenté par un gouvernement de gauche. Maintenant il est vrai qu'ayant un président de droite, nous avons un ministre de la culture de gauche ! Et quel ministre ! Nous ne pouvons pas nous plaindre : c'est la totale ! Après plusieurs expositions débiles de ce type, il serait temps d'ARRETER DE POLLUER le joyau de nos sites culturels français. J'en appelle (ce 13 juin...) à tous les amoureux de la véritable Culture : ..."Ne voyez-vous pas ces horreurs qui s'exposent jusque dans les jardins, jusque dans les salons de Versailles, polluer notre patrimoine, AUX ARMES CITOYENS ! Réunissons-nous contre l'ignominie et qu'un sang impur abreuve nos sillons...!!!"
Le 13/06/2010 à 15:45
François Marie Arouet Le Jeune Hélas ! Pauvre Versailles... Notre cœur est lourd de voir ce lieu sublime de la culture française galvaudé aujourd'hui par toute une clique de tartuffes. Notre cœur est lourd, notre gorge serrée, et nos yeux embrumés... Mais notre sang bout dans nos veines ! ARRETEZ CES EXPOSITIONS DE MAUVAIS GOUT. Si le peuple mécontent est venu aux portes de Versailles, il fut un temps, dont tout le monde se rappelle, les mécontents aujourd'hui risquent de ressembler à cette foule haineuse.
Le 12/06/2010 à 21:33
Louis Le Petit "Pourvu que faible, basse, et dans l’ombre incertaine, "Du fond d’un vert bosquet qu’elle a pris pour tombeau, "J’entende longuement ta dernière fontaine, "O Versailles, pleurer sur toi, Cité des Eaux ! (De "Salut à Versailles" d' Henri de Régnier ) Faudra-t-il encore, de nos jours, pleurer sur Versailles ? Et oui... Puis, quand on voit se succéder ces soit-disantes "expositions", on pense à l'instant au Conservateur du Château qui les permet. Ou les favorise. Et on pense aussi à l'instant à Charles Mauricheau-Beaupré, le grand Conservateur en chef du Château dans les années 50, qui vécu pour Versailles et écrivait, à Trianon, peu avant sa mort survenue en 1953: "Dans ce paysage austère, ceint de coteaux boisés, qui d'abord fait songer au vallon de Port-Royal, s'épanouit par une surprenante métamorphose un rêve antique, ce palais de soleil et tout son olympe de marbre et de bronze; comme si les machines des opéras de Lully les avaient pu faire descendre du ciel changeant de l'Ile-de-France." Quelle merveille ! Pourrons nous revenir à ce "niveau" d'Art et de Culture ? La distance qui nous sépare de ces années de rêve est énorme... Il nous faudrait relire la célèbre fable de Tomás de Iriarte pour en être convaincu. C'est celle qui finit ainsi: "Si el sabio no aprueba, malo ! "Si el necio aplaude, peor ! .
Le 11/06/2010 à 23:06
Raphaël Marie Blanc Comment se réjouir d'une telle exposition. C'est triste de voir défigurer un aussi bel endroit par des pitreries obscènes.
Le 11/06/2010 à 05:09
j p 1 Favoriser ou tout simplement permettre des irruptions telles Koons ou Veilhan, à présent Murakami, est, vraiment, ne pas se montrer à la hauteur: j'oserai même dire... c'est manquer de respect ! Envers Versailles et tout ce que ce mot évoque, mais aussi envers les visiteurs. Et d'évoquer la mémoire et déplorer l'absence de grands Conservateurs. Tels Mauricheau-Beaupré, Van der Kemp et bien d'autres. Qui pourrait les côtoyer, écouter leurs avis éclairés ! C'est bien vouloir tout ignorer de Versailles, à commencer par son grand inspirateur, Louis XIV, dans le respect de Louis XIII son père, puis les autres Louis, agissant eux aussi dans le sens du respect. Puis cette pléiade de grands architectes, sculpteurs, peintres, écrivains, musiciens... mais aussi de toutes les maîtrises, allant du maître facteur d'orgues au maître jardinier, au maître fontainier... jusqu'aux grands maîtres des cuisines ! Puis les scientifiques : des naturalistes aux physiciens. Tout ce monde de l'Art, du Savoir et de la Pensée en ces siècles de Lumières. Car Versailles, c'est surtout ça, ses Lumières.
Le 11/06/2010 à 00:39
Louis Le Petit Attention, les visiteurs de Versailles ! Si vous voulez admirer ce site incomparable en toute sa splendeur allez-y avant septembre. Vous m'en serez gré.
Le 10/06/2010 à 15:03