UNION NATIONALE DES ECRIVAINS DE FRANCE[1]

LETTRE OUVERTE AU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE

Nicolas Sarkozy,

Résidence du Pavillon de la Lanterne à Versailles

NON AU CHOC DES CULTURES A VERSAILLES !
         NON AUX « SACRILEGES » DU PATRIMOINE FRANÇAIS !
                  NON A LA CONTREFACON DES ŒUVRES DE L’ESPRIT !
                           NON A L’ATTEINTE AUX SYMBOLES DE LA REPUBLIQUE !

 

PJ.  Article du Times, du 29 août 2008 et Lettre ouverte au Ministre de la Culture, Madame Christine Albanel

Paris, ce 2 septembre 2008

Monsieur le Président,

Au nom de la Coordination de défense de Versailles, des valeurs les plus sacrées de notre patrimoine, de notre identité et de votre mandat présidentiel, nous demandons au Président de la République, garant des institutions et de la cohésion nationale, de faire cesser immédiatement le scandale de l’exposition « Jeff Koons Versailles » qui, en tournant en dérision la représentation symbolique du siège suprême de la souveraineté nationale, outrage les emblèmes légitimant de République et porte atteinte aux intérêts vitaux de la France. Cette souillure sacrilège des valeurs les plus sacrées de notre Histoire, de notre Culture et de notre Souveraineté, ouvre une boîte de Pandore aux conséquences incalculable.

Depuis notre demande du 16 juillet 2008, au Ministre de la Culture, pour qu’il fasse cesser ce scandale international dépassant toutes les bornes, les répercutions de cette affaire scandaleuse – touchant l’Art, l’Argent et la Démocratie – n’ont cessé de gagner en étendue et en gravité, depuis le 3 août 2008, sa consécration internationale venant du Times du 29 août 2008 (ci-joint) qui prend acte du « choc culturel » immense que constitue la souillure symbolique du siège de la royauté.

Ainsi, c’est au niveau suprême des codes symboliques constitutifs de notre identité nationale que le Times vient de placer l’outrage programmé de cette exposition de dérision ne visant à rien de moins qu’à couronner Jeff Koons 1er Roi-Soleil de Versailles en le substituant à Louis XIV, symbole d’une France rayonnant sur l’Europe, par ses arts, sa culture et sa prospérité économique comme l’a immortalisé le « siècle de Louis XIV » de Voltaire.

Car c’est par un véritable scénario de dérision, par inversion des codes artistiques, culturels et politiques, que les promoteurs de cette exposition – MM. Jean-Jacques Aillagon, François Pinault et, de fait, Madame Christine Albanel Ministre de la Culture renouvelant ainsi la provocation symbolique de Christian Lacroix, dans la Sainte Chapelle du château – ridiculisent le roi Louis XIV, son œuvre, sa politique culturelle au service de la France, et le siège de la royauté. Mais c’est oublier qu’ainsi ce sont la souveraineté républicaine, l’art français et le siège de la représentation nationale qui sont aussi outragés, dans leur représentation symbolique unitaire.

Nul ne saurait en effet ignorer que bientôt depuis quatre siècles, symboliquement, culturellement et politiquement, « Versailles » n’a jamais cessé d’être le symbole légitimant de la souveraineté : royale, révolutionnaire, impériale (Napoléon ayant notamment scrupuleusement appliqué l’étiquette de Versailles) ou républicaine depuis. C’est à Versailles que, le 3 septembre 1783, fut signé le fameux « traité de Versailles » instituant les Etats-Unis (l’indépendance des Treize Colonies anglaises d'Amérique du Nord) ; que se fit la Révolution de 1789 ; en janvier 1871, dans la Galerie des glaces, que fut proclamé et donc « inventé » le premier empire allemand, que le château servit de résidence au roi de Prusse vainqueur et que Thiers y négocia le traité ; que le siège de la souveraine nationale y consacra la IIIème République, après 1870, et que Thiers paré du nouveau titre de président de la République y joua son monarque ; qu’en 1919, toujours dans la galerie des glaces, entre les Alliés et l’Allemagne, fut signé le traité de Versailles ; que se trouve le Musée du Parlement ; que se trouve le siège de la plus haute représentation nationale, le Congrès du Parlement ; et qu’enfin, aujourd’hui, en tant que Président de la République vous y avez votre résidence, au Pavillon de la Lanterne à la Ménagerie faisant partie du Domaine du château.

C’est ainsi que, depuis quatre siècles, Versailles n’a cessé d’être le siège symbolique – emblématique – de la légitimation du pouvoir artistique, culturel, économique (Comité Colbert) et politique : royal, révolutionnaire, impérial, républicain et même de l’« invention » des Etats-Unis. En un mot français, européen et mondial.

D’où l’émotion, la stupeur et l’incompréhension générale, à l’étranger, à l’annonce de cette exposition dérision, devant le sacrilège programmé de ce lieu symbolique le plus chargé de pouvoir légitimant, réceptacle UNIQUE de la mémoire symbolique française, européenne et mondiale.

La provocation est extrême et l’arrogance sans précédent. C’est à coups de homard, de BD, de Bear and Policeman, de chiens ou de poupées ballons et d’imprécation sur la cote artistique gonflable de Jeff Koons qu’on ose prétendre changer (souiller) notre regard sur ce joyau français et mondial sans pareil, sur notre culture, voire sur notre philosophie de l’histoire. Quelle dérision avec la bénédiction de la décision publique, Madame Albanel en remettant une couche après la bérézina de l’exposition Lacroix, en 2006.

Il est stupéfiant que ce soit du dehors de nos frontières que nous vient la défense de notre patrimoine bradé par la représentation nationale. Les American Friends of Versailles, avec son Président Catharine Hamilton, eux, connaissent l’inestimable valeur artistique et symbolique de Versailles :

« Les arts sont le prisme à travers lequel nous considérons notre histoire et souvent le prisme à travers lequel nous voyons notre avenir. Versailles est une histoire vivante dont les enseignements continuent toujours à inspirer les artistes et les écrivains, musiciens et hommes d'Etat siècles, après ses murs se soient tus aux affaires de l’Etat qui a su créer tant de beauté et d’émotions. Pour ceux qui ont la chance d'avoir visité le château et sa source d'inspiration, il est manifeste que Versailles n'est pas une « leçon » que l'on peut tirer en un seul volume. Même aujourd'hui ses secrets et sa beauté continuent à se révéler eux-mêmes. (…) nous vous invitons à faire vos dons à Versailles pour aider à maintenir un chef-d'œuvre dans le monde culturel, etc. À Versailles, la France a créé un chef d’œuvre, dans la durée, qui est susceptible de ne jamais se reproduire. »

En s’attaquant aux codes de la représentation symbolique, on s’attaque aux choses représentées ; en laissant ridiculiser, ainsi, le siège emblématique de notre légitimité artistique, culturelle et politique, on s’attaque au respect dû aux Institutions qui en sont issues ou qu’il porte ; et puisque, dit-on, les peuples qui cessent de respecter cessent d’obéir, il y a grand risque à laisser ainsi détruire les fondements emblématiques de notre prestige, du rayonnement de la France et de notre prospérité, en violation du mandat public imposant le respect de l’intérêt commun.

Dans « Ensemble », en rappel de ce fragile fil conducteur de l’Unité nationale, vous avez dit que la République a réalisé ce dont la Royauté rêvait.

C’est pourquoi, nous renouvelons notre pressante demande d’interdiction de l’exposition Jeff Koons Versailles, et de son triple scandale – touchant l’Art, l’Argent et la Démocratie. Au delà du rayonnement de la France et de sa prospérité, cette provocation sans précédent menace de briser le sceau national de notre Unité symbolique que vous avez pour mission de protéger en tant que premier magistrat et Président de la République.

Au vu des réactions internationales et du sentiment de révolte profond des Français, il est désormais clair que sous le masque grotesque et débile du « choc des cultures », cette guerre ouverte à Versailles, contre l’Intelligence, l’Art et les Œuvres de l’esprit, est dans sa violence inouïe, un appel à un mouvement de Résistance Culturelle aux conséquences incalculables.

Nous vous demandons de ne pas laisser s’ouvrir cette boîte de Pandore, chargée d’angoisse, s’attaquant à nos valeurs les plus sacrées du Beau du Vrai et du Bien. En espérant instamment que vous répondrez favorablement à l’attente massive des Français, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président,  l’assurance de notre haute considération.

Pierre CHARIE-MARSAINES

Arnaud-Aaron UPINSKY

Président d’honneur, Commandeur de la Légion d’Honneur

Président

 



[1] 8, rue d’Anjou 75008 Paris